L'économie distributive ?


Ce n'est que la conséquence logique des progrès de la science :
 

Elle met fin au paradoxe de l'homme inventant une machine
pour travailler à sa place, mais qui ne travaille pas pour lui.

( Jacques Duboin )

 

L'économie distributive repose sur le principe que tout ce qui est utile et matériellement et écologiquement possible, doit être réalisé. En conséquence, il faut distribuer à l'ensembledes consommateurs ; sans exception ; un pouvoir d'achat correspondant à la production des biens et services.

Cette distribution doit revêtir la forme d'un « revenu social » servi à chacun du berceau au tombeau. Il représente notre part d'usufruit dans l'énorme patrimoine que nous trouvons aujourd'hui en naissant : les équipements industriels et agricoles, les sciences et les techniques dont nous disposons sont en effet les fruits d'une oeuvre collective, poursuivie au cours des siècles passés par une foule innombrable de chercheurs et de travailleurs, tacitement associés pour l'amélioration continuelle de la condition humaine.

Le « Revenu social » doit être versé en « monnaie de consommation », qui peut tout simplement être le franc actuel à condition de ne plus rapporter d'intérêt.

Cette monnaie ne servira donc qu'une fois, son rôle étant de faire passer la production à la consommation. (Pour des millions de Français qui n'ont pas les moyens d'économiser, le franc est déjà une monnaie de consommation!)

Grâce au « revenu social », le consommateur a le moyen de choisir librement les biens et services qu'il désire. Il ne s'agit donc pas de les lui imposer. Le « revenu social » réalise la réforme fiscale en rendant inutile tous les impôts.

La production en économie distributive n'est pas dirigée, elle est planifiée. Planifier une production, c'est « orchestrer » les efforts en vue d'obtenir le plus grand rendement possible avec le minimum de peine. (C'est, aujourd'hui, ce que font toutes les entreprises.)

 Cette planification doit être confiée aux techniciens dont c'est le métier, mais ceux-ci restent soumis aux directives des instances démocratiquement élues.

De plus, la planification est l'objet d'un « référendum » permanent des consommateurs par l'usage qu'ils font de leur « revenu social ».

Le travail devient « Service Social » : Le travail humain nécessaire pour assurer tant les services publics que la pérennité de la production (y compris I'entretien de l'équipement, son extention et ses perfectionnements) revêt la forme d'un service social accompli par roulement, comme c'était le cas pour le service militaire.

L'Économie distributive ne fait disparaître aucun de nos droits politiques, mais se borne à les compléter de droits économiques sans lesquels ils n'ont aujourd'hui plus guère de sens, car « pour vivre libre, il faut avoir de quoi vivre » !

 

1 - UN CONSTAT : « LA GRANDE RELEVE »

L'homme a toujours cherché à réduire l'effort qu'il doit fournir pour assurer sa subsistance.

 Il a d'abord inventé des outils, puis il les a perfectionnés.

Lents d'abord, ces progrès ont pris, ces dernières décennies, un caractère exponentiel.

Dans les pays industrialisés, l'homme dispose maintenant d'innombrables esclaves mécaniques, électroniques, automatisés, informatisés É Il sait même commander la nature, la modifier, en un mot lui faire produire presque tout ce qu'il veut, comme il veut, quand il veut.

Cette grande relève des hommes par la science1 dans tous les processus de production marque un changement de civilisation, le plus grand de tous les temps et certainement le plus rapide. Tellement rapide dans les pays industrialisés que les hommes n'ont pas encore pris conscience de sa conséquence majeure :

 

le pouvoir d'achat ne peut plus être mesuré par la durée du travail.

 

Surproductions et croissance du chômage, entraînant récession, destructions, exclusions, délinquance, drogues et guerres, sont les manifestations les plus frappantes de l'inadaptation de notre système économique aux transformations des processus de création de biens et de services :

c'est ce qu'on appelle la crise.

 

2 - UNE NECESSITE : INVENTER POUR S'ADAPTER

Les transformations sociales, nécessaires pour adapter notre système économique aux nouveaux moyens de création de richesses, sont à la mesure de cette révolution sans précédent. Mais pour les imaginer et les mettre en Ïuvre, il faut aller à l'encontre d'habitudes et de modes de penser millénaires, au risque, évidemment, de passer pour « utopistes ».

 Notre utopie, c'est l'économie des besoins, ou économie distributive, ou économie participative, qui pose en principe que :

Toute production physiquement et écologiquement réalisable
doit être financièrement possible.

 

Et quand elle a été réalisée, tout citoyen doit avoir le pouvoir
d'achat nécessaire pour en acquérir sa part.

 

La fin de l'ère de la rareté des biens et des services est aussi la fin de l'ère de l'échange entre pouvoir d'achat et temps de travail. Une double réorganisation s'impose donc :

celle du devoir économique et
celle du droit économique
de tout citoyen.

 

D'une part, répartir entre tous les tâches encore nécessaires, dont la durée diminue constamment grâce aux progrès technologiques, et d'autre part, distribuer le pouvoir d'achat correspondant globalement à la valeur des biens et des services produits, dont la quantité peut désormais s'accroître si besoin.

 

3 - DES PROPOSITIONS :

- LE SERVICE SOCIAL

Le partage des tâches devient le service social que chaque individu doit accomplir au cours de son existence, selon ses aptitudes et suivant les besoins de la société. Il s'agit là d'une remise en cause de la notion d'emploi. Le «travail » cesse d'être l'activité essentielle de l'homme, qui commande toutes les autres et détermine à vie son « niveau social ». D'autres activités, réputées aujourd'hui non rentables, ou non mesurables en termes économiques, mais au moins tout aussi utiles, voire même fondamentales, sont désormais reconnues.

- LE REVENU SOCIAL (ou de citoyenneté)

La distribution du pouvoir d'achat se fait en créditant périodiquement le compte de chaque citoyen, de sa naissance à sa mort. Pour effectuer ses achats, chacun dispose d'un carnet de chèques, ou d'une carte à puce s'il préfère, et son compte est débité du montant de l'achat. Rien n'est donc changé pour le consommateur, la vente est enregistrée par le vendeur et le crédit correspondant est annulé.

- LA MONNAIE DISTRIBUTIVE

Pour distribuer ainsi le pouvoir d'achat il faut une monnaie d'un type nouveau. Cette monnaie distributive est une monnaie de consommation : elle ne sert qu'à acheter, elle ne circule pas, elle ne peut pas être placée pour rapporter un intérêt et elle n'est plus anonyme. Des paiements à échéance restent toutefois possibles. Le montant des crédits à distribuer régulièrement (chaque mois par exemple) est un problème informatique analogue à celui que traitent actuellement et en temps réel les milieux boursiers et financiers (ou même plus simple ). Il consiste à évaluer la production à réaliser pendant une période donnée, en tenant compte des contraintes (d'environnement, de sauvegarde des ressources, par exemple), des besoins et des intentions manifestés par les consommateurs, des besoins des services publics et des investissements nécessaires. Le montant total du « revenu social » distribué est la différence entre la valeur de la production estimée et celle des investissements décidés,pour une période donnée. Considérant que tous les citoyens d'une même région, puisqu'ils sont, tous et au même titre, co-héritiers des fruits du travail et des recherches qui ont abouti aux moyens actuels de production, J.Duboin proposait un revenu social égal pour tous, autrement dit l'égalité économique. Mais la plupart des gens ne sont pas prêts culturellement à un tel changement, de sorte que cet objectif ne peut être envisagé qu'à long terme.

 

4 - UNE TRANSITION: LE CONTRAT CIVIQUE

Diverses mesures transitoires ont été proposées (dans le N° hors série de Janvier 1992 du mensuel La Grande Relève). Une allocation universelle ou revenu d'existence, minimum alloué à tous, pourrait faire évoluer les mentalités. Mais pour avancer un peu plus vers l'économie des besoins, nous proposons de répartir le pouvoir d'achat sous forme d'un revenu de citoyenneté, déterminé à partir d'un contrat civique renouvelable et modifiable en fonction des résultats obtenus.

C'est pour stimuler l'initiative individuelle, l'innovation, l'inventivité, tout en tenant compte de la complexité croissante de l'économie, que nous avons proposé le contrat civique (dans le N° 901 de la GR). Son objectif est de rendre le citoyen autonome et responsable, de lui donner la possibilité de décider de l'orientation de sa vie, de lui laisser l'initiative de ses activités, mais en les faisant reconnaître et valoir, même si elles ne sont pas mesurables suivant les normes économiques traditionnelles.

Pour les uns, simple publication de leur rôle dans une entreprise qui existe, pour d'autres, projet plus ou moins ambitieux d'une nouvelle activité, le contrat civique proposé par chaque citoyen (si besoin, aidé et conseillé) doit faire l'objet d'une publicité préalable, puis être présenté à des instances compétentes. Ces instances, les Conseils économiques, devront, selon le principe de subsidiarité, être celles qui correspondent au niveau adapté à l'envergure du projet ; elles seront composées d'élus, de représentants des professionnels concernés et, au moins pour moitié, de citoyens y siégeant temporairement, à titre personnel, comme "usagers".

La démocratie économique sera enfin réalisée par la remise à ces conseils du pouvoir de création monétaire, (qui sera donc retiré aux banques de crédit qui en usent aujourd'hui de façon arbitraire), y compris pour financer les investissements nécessaires aux entreprises, qui devront leur en rendre compte.

Bref, le résumé de notre résumé, c'est la SNCF qui l'a formulé avec ce slogan :

 

Le progrès ne vaut que s'il est partagé entre tous.

(M.- L. D.)

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