Finances Solidaires et Monnaies Sociales

LES BÉNÉFICES DE L'INTERACTION

 

 

Mercredi 5 mars 2003,  

par Pascale Delille

 

Compte Rendu

 

Le SMI et les Alternatives

 

Le Système Monétaire International entretient artificiellement la rareté, et ne répond pas aux besoins élémentaires d'une part importante de la population :

 les économies locales sont asséchées par la concurrence des marchandises fabriquées à coût réduit par de grandes firmes.

Ces produits ou services plus compétitifs que ceux des économies de proximité contribuent à la concentration de l'argent, à l'augmentation du gaspillage, et à la dégradation de la qualité et de l'environnement (augmentation des transports pour une durée de vie plus courte de ces produits)

 de nombreuses capacités humaines sont considérées comme non rentables et ne sont pas valorisées.

 de nombreux besoins émanant de population non solvable restent insatisfaits ;

Les trois principaux fléaux du système financier international sont les suivants :

 la dette extérieure qui vampirise les pays du sud au profit de ceux du nord

 les fonds de pensions qui constituent la part la plus importante des masses financières en circulation. Leurs gestionnaires exigent une rentabilité allant toujours crescendo, découplée de la croissance économique réelle. Les entreprises cotées en bourse sont dépendantes de cet apport financier. Or le licenciement reste la variable d'ajustement privilégiée pour accroître la rentabilité d'une entreprise. C'est ainsi qu'un travailleur qui souscrit à un fond de pension en croyant ne s'occuper que de sa retraite, contribue sans le savoir au licenciement de son alter ego quelque part sur la planète, selon une orchestration de type "chaises musicales".

 les paradis fiscaux enfin, permettent aux rares gagnants du système de mettre leurs bénéfices à l'abri de l'exigence de redistribution des états démocratiques

A ce triangle infernal est opposé le cercle vertueux des innovations monétaires populaires :

  le micro-crédit , outil de la finance solidaire, est apparu dans les années 70. Il permet aux exclus du système bancaire classique d'avoir accès à des prêts d'argent pour financer leurs projets.

  le budget participatif , apparu dans les années 80, permet aux citoyens de se rapprocher de l'administration en s'associant à une gestion des finances publiques, et favorise la réconciliation de l'état et de ses administrés ( le plus connu reste le budget participatif municipal de Porto Alegre mais de nombreuses expérimentations sont en cours, en particulier dans plusieurs municipalités françaises* )

  les monnaies sociales , enfin, permettent à une communauté de créer pour elle-même un outil monétaire sous contrôle démocratique ; cet outil peut permettre au groupe de valoriser ce qui est vraiment sensé pour lui : économie de proximité, lien social et services communautaires, ou autres services que l'économie néolibérale ne sait plus reconnaître.

 

Une expérimentation brésilienne

 

Pour illustrer comment les finances solidaires et les monnaies sociales peuvent se compléter en se potentialisant, Héloisa Primavera relate une expérience pratiquée depuis quelques années déjà au Brésil.

La Situation

FOMENTO est un modèle de cercle d'échange. Il a été pratiqué pour la première fois à Fortaleza au Brésil. Dans ce modèle, une somme d'argent est collectée pour un projet précis. Cette somme d'argent peut être constituée par n'importe quel mécanisme : épargne solidaire des personnes directement intéressées par la réalisation du projet, CIGALE ou tontine, emprunt bancaire etc.

A Fortaleza le projet portait sur la construction d'une école et la somme a été donnée par une ONG. Cette somme correspondait dans ce cas précis à la totalité de la somme nécessaire pour construire et équiper l'école. Mais l'ingéniosité des habitants de ce quartier de Fortalezza a permis de démultiplier les effets de cette somme.

En effet, ils ont crée une monnaie communautaire pour valoriser tout ce qui pouvait être fait par eux même quant à la construction de cette école : temps de travail effectué, matériaux vendus par des commerçants du quartier, productions locales, etc.

Dynamique

Pour que cette monnaie locale soit vraiment utile, il lui fallait des débouchés. Pour cela, des commerçants sont rentrés dans ce cercle d'échange en acceptant des paiements partiels pour leurs produits, en monnaie locale. Pour eux, il s'agissait d'encourager le développement local de leur quartier par une pratique solidaire. Leur vitrine portait un autocollant « Ici, on accepte la monnaie locale », qui leur amenait également de nouveaux clients.

Ainsi commerçants du quartier, travailleurs et fournisseurs du chantier ont pu utiliser cette monnaie pour leurs propres besoins.

Cette émission de monnaie locale a couvert environ 70 % des frais afférant à la construction de l'école en rétribuant les ressources locales.

Avec l'argent officiel économisé sur la somme globale destinée à la construction, la communauté a pu attribuer de petites sommes sous forme de micro-crédits pour des projets d'habitants nécessitant l'achat de matières premières, de machines ou de compétences qui n'étaient pas proposées dans le quartier. Cette somme d'argent devait être remboursée en monnaie locale à la communauté dans les 6 mois. Les porteurs de projet bénéficiaires de ces micro-crédits devaient donc encaisser de la monnaie locale en échange de leurs services ou de leur production pour rembourser l'emprunt, ce qui renforçait encore le circuit.

Bilan

Au final, la communauté n'a utilisé que trente pour cent de la somme reçue pour construire cette école, car elle a pu puiser dans ses propres forces pour fournir le reste. Les soixante-dix pour cent restant ont pu constituer un fond rotatif de micro-crédit, et la combinaison avec la monnaie locale a ainsi pu stimuler une économie de proximité et du développement local, organisée selon une gestion démocratique

* cf.le réseau Démocratiser Radicalement la Démocratie

Ce texte est le compte rendu d'un atelier animé par Héloisa Primavera et Pascale Delille, du chantier Monnaies sociales de l'Alliance pour un Monde Pluriel, Responsable et Solidaire, le 24 Janvier 2003 à Porto Alegre.

Photo : Des membres du chantier Finances Solidaires et Monnaies Sociales à Porto Alegre.

 Retour